Note d'intention :
Nous visons la confusion de la photographie avec la peinture.
Notre travail sur la nature morte est, comme la nature morte elle-même, une bombe silencieuse.
Bombe silencieuse, la nature morte l’est parce qu’elle invite les choses les plus simples, depuis toujours, aux murs des collectionneurs. Elle évite ainsi la représentation des grands sujets (grands hommes, grands monuments, grandes actions), indiquant que c’est la matière seule qui est belle, pas le jeu social.
Bombe silencieuse parce que la photographie est pour l’histoire de l’art quelque chose de misérable. Déjà condamnée par Baudelaire pour la vulgarité du détail, elle est rejetée par les peintres à ce motif ; quand elle s’impose enfin, c’est dans la pauvreté du Style Documentaire. Or nous désirons faire une photographie pour les amoureux de la peinture.
Bombe silencieuse parce qu’en procédant ainsi nous ne respectons pas le dogme admis que l’histoire de l’art ait un sens. Nous revendiquons la suprématie absolue de la beauté sur le discours social.
Bombe silencieuse parce que notre photographie n’est pas copie de peinture ; nous créons des tableaux nouveaux, jamais faits par les peintres, après analyse des formes employées par les uns et les autres. Nos natures mortes sont des mécanismes silencieux minutieusement armés par l’emploi des fondements de l’image artistique.
Nous espérons
Créer de nouvelles images qui semblent pourtant des objets éternels.
Obliger l’observateur à regarder de près pour comprendre comment la photographie peut autant avoir l’air d’être de la peinture.
Transformer la pauvreté en idole.
Montrer à la fois les ficelles des conventions, et montrer qu’elles marchent de façon éblouissante.
Rendre la bombe silencieuse encore plus terrifiante.
Henri PEYRE